Haut dans les cieux du massif froid et embrumé d’Anagura, se dessine une silhouette de grand cuirassier. Tournoyant dans les airs et retombant d’une trajectoire circulaire vers ce qui faisait office d’aérodrome.
Une large étendue de terre délimitée par de nombreux flambeaux, à la lueur desquels les teints amarante et verdâtre du reptile prenaient une allure effrayante, au regard des apprentis postés pour accueillir le maître.
Une bête imposante, surplombant de vingt pieds de hauteur le petit phalanstère de laquais et d’esclaves.
Un fumet sulfureux fulminant de ses nasaux éhontés, ses ailes ployèrent et se refermèrent sur le long abdomen, achevant leur étendue à la base de l’épaisse queue écailleuse et sertie de pics.
Le maître des lieux foula le sol de ses pieds, portant dans ses bras un corps d’environ deux mètres et d’une carrure relativement mince. Il ne semblait guère être plus lourd qu’une plume dans les bras du vampire.
Une tunique de soierie fine et rouge sombre légèrement débraillée se contrastait avec le teint d’albâtre de sa peau et sa chevelure de jais que l’on avait tressé. Il était endormi, blottit sous la poigne ferme qui l’enserrait, ses bras passés autour du cou et la tête reposant contre la poitrine.
Lucifel quant à lui arborait une tenue plus sobre, sa toge épaisse et sombre recouvrait intégralement son corps, et une capuche ombrageait son visage, de manière à ce que seul ses yeux perçants et sévères soient visibles.
Ce fut à peine s’il marqua une pause devant sa suite, intimant à ses apprentis de vaquer à d’autres occupations tandis que Kira restait, torche à bout de bras, pour guider son maître à travers le manoir.
Les travaux étaient monstrueux. Il manquait des portes à quasiment chaques pièces, le mobilier anéanti n’avait pas encore été remplacé et la demeure semblait vide de toute richesse. Tout comme de vie d’ailleurs, au point qu’on ne jugea pas nécessaire d’éclairer les couloirs.
Plus tard, le trio eut rejoint le sommet de l’aile Nord. L’antre de Rochel assez délabrée, dont la porte brisée malgré son épaisseur, n’offrait plus assez de confort au goût du vampire. Il congédia son bras droit et pénétra dans ses propres quartiers, avant d’en clore l’entrée à l’aide de l’immense croix de bronze. Ils ne devaient être dérangés sous aucun prétexte.
L’antichambre fut scellée également, et la pièce sombre, dépourvue de fenêtre, était ornée de quelques chandelles pour toute source lumineuse à l’exception du brasero de la cheminée. L’atmosphère était douce et chatoyante en dépit du décor lugubre. Les meubles avaient été écartés et le lit placé au centre de la pièce.
Les draperies soyeuses de couleur pourpre agencées sur la couche et les rideaux du baldaquin accordés aux même tons.
Lucifel y déposa son amant et noua ses bras et ses jambes aux montants de cuivre et d’argent.
- Ce soir tu n’appartiens qu’à moi seul !
Il prit également ses aises, troquant sa toge contre une unique chemise longue en dentelle écarlate et brodée d’or, ainsi qu’une gaine de cuir cernant sa cuisse gauche et dissimulant un kriss d’adamantine.
Lentement, il prit place sur le lit, les genoux plaqués contre le matelas et reposant du plus légèrement qu’il put sur le bassin de Rochel.
Ses mains passèrent sur le visage de l’infant endormi, retraçant ses formes et contours avec passion. Un doigt délicatement posé sur les lèvres rougies, et de l’autre main il réajusta une mèche indisciplinée. Ses yeux s’emplissaient de larmes tandis qu’il restait contemplatif.
Cela dura quelques minutes encore avant qu’il ne dégaine sa lame et s’applique à taillader un à un les haillons de Rochel, jusqu’à ce qu’il soit entièrement nue. Les vêtements en lambeaux avaient été roulés en boule et jetés au feu.
La tresse avait également été coupée, et ses cheveux hirsutes retombaient par frange sur son visage angélique.
- Ho cette mégère n’aurait pu apprécier ce corps autant que moi. Ses yeux mortels n’auraient su en discerner les subtilités et ses mains insensibles auraient gâché une peau aussi délicate… Ta beauté n’est pas faite pour ceux qui pourrissent chaques jours, quel sacrilège !
Ses yeux embrasés irradiaient exaltation et désir à en devenir incandescent.
- Ce soir tu es mien !
Le vampire s’était munit d’une petite fiole qu’il posa au coin du lit, puis d’une jarre contenant de la crème parfumée à l’essence de musc.
Il en recouvrit le corps de son aimé, massant chaques membres d’une infinie tendresse. La poitrine, les épaules, les bras, puis les cuisses et revint s’attarder au niveau de la taille, de l’abdomen, se lova contre lui, peau contre peau, la chemise ouverte, et oignit le bas du dos et les fesses.
Il lui semblait que Rochel s’éveillait peu à peu…
- Te voilà mon ange, ça n’en sera que plus agréable.
Il repoussa sa tête en arrière et baisa ses lèvres entrouvertes tout en saisissant la fiole qu’il avait posé tout à l’heure.
- L’élixir de Melo, l’extase des sens. Une gorgée suffit pour un mortel, m’a-t-elle confié… Ca sera trois pour un vampire !
Faisant sauter le bouchon, il déversa le liquide dans la bouche de son amant, et porta ensuite le flacon à ses lèvres. Elle eut bien été vidée aux deux tiers quand il la referma et la laissa choir au sol. Ca n’avait guère d’importance, quelle que soit la valeur et la rareté de l’élixir… Lucifel Jubilait.
Sa langue retraçait le sillage du torse de Rochel pour plonger vers le bas-ventre.
- Je veux puiser le sang à même ton cœur, mais je veux plus encore… Dévoile donc la puissance qui habite ton être et offre-moi la veine la plus généreuse de ton corps !
Déjà ses crocs d’ivoire perçaient la chair pour puiser le sang qui lui avait tant manqué…