La nuit s’achevait à peine, la voûte céleste cédant à l’aurore un teinte embrasée amarante et brillante. Curieux spectacle pour le Golem qui n’en supporta que très peu les rayons dévastateurs qui déjà noircissaient sa chair dissimulée sous une mante épaisse de tussor.
La silhouette du manoir prenait une autre allure sous la lueur accablante de pélor, moins ardente, quelque peu insipide à l’instar de la pierre grisâtre et halé qui semblait terne et rance.
La tour Nord s’élevait, plus haute que les autres, pour culminer en un pic fumant de part l’incendie de la veille, une coulée de suie arpentant la roche en de fine striures irrégulière. Seuls les corbeaux profitaient de ce spectacle avec délectation, tournoyant dans les airs à la recherche d’une charogne encore fraîche de la nuit dernière.
Lucifel quitta l’Eden pour regagner le manoir, quelques minutes encore et ses membres se disloquaient d’eux-mêmes pour être réduits à néant.
Il aimait cet instant où il semblait pourtant si vulnérable. Sa nouvelle nature lui permettait d’apprécier un lever de soleil sans dommages irréversibles, mais c’était souvent au prix d’une longue régénération où les tâches brunes sur sa peau d’albâtre demeurait plusieurs jours voir semaines. Personne ne puis cependant affirmer qu’il en souffre, c’est de toute manière une notion très vague chez le saigneur depuis de nombreuses décennies…
Il longea les corridors et emprunta les souterrains amorcés dans l’aile nord, plus long et laborieux que les autres mais faisant cependant l’objet d’une décoration macabre à base de crânes, d’ossements et de jeux de lumière avec ceux-ci. Le passage débouchait à force d’intersections, de croisement et d’impasse, sur une alcôve reliant la chambre du golem et les niveaux inférieurs. Une rune en clos l’accès de manière à ce que nul serviteur ne l’emprunte, s’ensuit un long colimaçon débouchant dans les abysses d’Anagura.
Un labyrinthe oscille entre cachots, salles de tortures, oubliettes et couloir sinueux offrant multiple possibilité de cheminement. L’agencement est tel que chaque serviteur habilité s’y rendre emprunte un itinéraire personnel. Chaque passage s’inter croisant de manière à ce qu’un seul ne puisse s’y aventurer à la fois et qu’aucun autre ne puisse y entrer sans qu’il en soit ressorti.
La voie empruntée par le golem est toutefois moins contraignante, nécessitant l’utilisation de la télékinésie pour passer de gigantesques vantaux de pierre.
Une fois franchis tous ces artifices, le souterrain débouche sur une pièce centrale aux murs épais et denses. La salle et meublée de manière semblable aux appartements du « saigneur », une bibliothèque composé de grimoire et manuscrits dont la plupart ont été rédigé par Lucifel lui-même, traitant de magie élémentaire, botanique, médecine etc. Un pupitre est disposé à côté d’une archelle contenant divers flacons et fioles à base de plante, des herbes à pipe et autres poudres d’encens… Enfin un orgue monumental orne la pièce dont le son puissant et harmonieux remonte au travers des conduits et aérations pour se dissiper dans l’ensemble du manoir. Il n’est pas rare d’entendre ses mélodies lugubres lors des nuits de pleine lune, comme une douce litanie en l’honneur d’Hécate.
Depuis peu, une couche soyeuse et luxueuse avait été installée à l’intension d’Ambre, la crypte se présentant comme ses nouveaux quartiers de résidence. A moins qu’il ne s’agisse d’une prison ?
C’est dans cet instant où les questions inéluctables tourmentaient la jeune femme que le golem choisi de faire son entrée. Le son de ses pas résonant sur le sol avec une lenteur déconcertante, la porte céda sous une force psychique avant que le silence n’installe à nouveau son règne… Pour quelques secondes.
Un interlude qui sembla durer des heures tandis que le golem restait sur le pas de la porte à humer le parfum tendre et enivrant de son élève. Les effluves de sa peau qui semblait frémir sous l’air tiède, cette peau tachetée de son aux fragrances acides et subtile qui recelaient une pureté angélique et délicieuse…
Lucifel entra dans la crypte un sourire bienveillant aux lèvres et une lueur accablante de salacité dans ses prunelles d’améthyste…