La fin de la journée était d'une tiédeur agréable au domaine des Seïgura. Faërraina se trouvait dans sa chambre. Étendue sur son lit, elle émergeait de la douce torpeur dans laquelle l'avaient plongé les quelques substances opiacées absorbées en début d'après-midi. Elle se leva lentement et se dirigea vers l'armoire afin de s'habiller.
Comme tous les soirs à présent depuis son arrivée au manoir, elle sortait errer à la faveur de l'obscurité, ne trouvant pas le sommeil avant une heure avancée de la nuit. Elle se vêtit donc d'un corset noir fait de cuir et de dentelle. Elle assortit à cela une longue jupe fendue sur les côtés jusqu'en haut des hanches, une ceinture ou pendait deux couteaux effilés et une paire de bottes montant au dessus des genoux. Regardant distraitement par la fenêtre à travers les volets légèrement entrebâillés, elle mit ses protèges-poignets, de cuir eux aussi, et franchement usés. Elle les aimait tellement que c'était pour elle un réflexe de les porter. Avant de sortir de sa chambre elle jeta une ample cape noire sur ses épaules et dissimula son visage sous la capuche.
Sortant de ses appartements, elle laissa ses pas la guider jusqu'au hall. Prise d'une envie soudaine de prendre l'air, elle se rendit dans l'éden, qu'elle n'avait jamais pris la peine de visiter. Des parfums entêtants s'entremêlaient et laissaient tous ses sens en éveil. Marchant sans but précis à travers les superbes massifs de fleurs odorantes, elle arriva près d'un banc de pierre entouré de bosquets de rosiers. Séduite par les roses noires, magnifiques dans leur épanouissement, elle en cueillit une et se perdit dans sa contemplation en se laissant choir sur le banc de granit. Elle avait repoussé sa capuche et les rayons rougeoyants du soleil couchant produisaient sur sa chevelure couleur de feu des reflets flamboyants. Assise là, faisant tourner le bouton de rose entre ses doigts, elle regarda l'astre du jour disparaître derrière la ligne d'horizon et l'obscurité tomber peu à peu.
Resserrant sa cape autour d'elle, Faërraina réfléchissait. Elle ressentit cependant une présence, un regard inquisiteur posé sur sa nuque. Quelqu'un l'observait, camouflé dans les fourrés. Étant donné que seul l'éclat de la Lune maintenait une faible clarté, elle ne se retourna pas, sachant pertinemment qu'elle n'aurait vu que des rosiers, frémissant légèrement dans la brise nocturne. Sur ses gardes mais restant sereine, elle attendit que le visiteur s'approche. Ce n'était certainement pas un apprenti, elle l'aurait entendu approché bien avant qu'il s'aperçoive qu'elle était là. Cette attente lui rappelait un autre moment semblable et pas si lointain...
* Ne comptes pas sur l'effet de surprise cette fois... *
Elle souriait intérieurement mais ne laissa paraître aucune émotion sur son visage qui aurait pu trahir qu'elle se savait observée.