C’est un soir comme un autre pour la sinistre demeure d’Anagura. La lune trop pâle inonde de ses rayons les hautes cloisons de pierre du manoir et les grandes allées de l’Eden. Une harmonie sibylline bercée par les doux murmures de l’orgue sur lequel le maître de maison pianote. Ses doigts, guidés par la lypémanie de son état spécieux et contre nature, dénoncent la rancœur qui habite son âme et son corps, en une mélopée macabre et sépulcral.
Au loin un ventail crisse et s’étiole dans les excavations sinueuses du manoir, des bruits de pas assourdis par l’humidité et la pierre dense résonnent, se rapproche lentement de l’alcôve où le maître attendait.
Ewenn dans son pourpoint finement taillé, l’allure toujours délicate et le pas serein lorsqu’il approchait du golem, fit son entrée dans l’antre secrète. Il tenait en ses mains un plateau d’argent sur lequel résidaient, un calice de cristal et un petit coffret d’ébène serti d’oripeaux.
Il se courbe en tendant la coupe à son Seigneur, celle est garnie d’un breuvage aux reflets vermeils et bleutés.
- Voici, monseigneur, le dernier fruit de vos distilleries comme vous l’aviez demandé. Il se compose de Nectar de Lotus argenté, de Lymphe Sélénite, d’essence de laudanum et de sauge.
- Parfait !
- Il y a en outre ceci messire : C’est l’objet que vous avez fait importer des Etats de l’Est adeptiens, un ouvrage elfique si mes souvenirs sont bons. J’atteste qu’il n’a point été ouvert depuis son arrivé, si vous voulez bien vous donner la peine d’en vérifier l’authenticité.
- Ce ne sera pas nécessaire Ewenn, dépose cela ici et monte me préparer ma tenue d’apparat. Le majordome s’exécuta avec la plus grande prestance tandis que le golem délaissa son orgue pour s’emparer du coffret.
Une lueur intense s’en échappa lorsqu’il l’entrouvrit, comme si Hécate en personne se trouvait dans la pièce. Un large sourire de satisfaction embrassa ses lèvres, il se mit à rire subitement d’un rire gras et glauque.
Il descend d’un trait le calice et se leva pour prendre la direction de sa chambre…
L’atmosphère est lourde, l’encens au musc règne dans la pièce, surplombée des quelques candélabres qui suffisent tout juste au majordome pour distinguer les couleurs des costumes qu’il apprête pour son maître.
Suivant l’injonction de ce dernier lors de son entrée dans la chambre, il opta pour une tenue légère de taffetas aux tons janthine et pourpre.
Il surmonta la coiffe du golem d’un ruban de grenat et d’oripeaux, et des chausses de daim finement tannées.
Le golem satisfait de son accoutrement congédia son serviteur, il agrémenta sa tenue d’un ceinturon brodé et y fixa sa lame d’adamantine si précieuse pour l’apparat et la superbe de Lucifel.
De sa démarche princière, il quitta ses quartiers et emprunta à nouveau les souterrains pour se diriger vers
le sanctuaire sous-jacent à la salle de séjour…