Une arrivée tardive et innattendue..

Une pluie torrentielle s'acharnait sur les somptueux jardins du grand manoir Anagura.

Pourtant une créature y restait, appréciant sa solitude nocturne, restant impassible devant les éclairs qui avaient beau s'abattre auprès de lui.

C'était un jeune drow, il avait de longs cheveux de couleur ébène qui descendaient jusqu'à la taille, il avait également des yeux verts mordorés qui scintillaient dans la pénombre. Il avait l'air d'être bien bati, un homme fort et qui sait peut-être courageux.

Il n'avait pas remarqué ma présence, il ne se doutait pas un seul instant que je pouvais me trouver si près de lui. Je ne bougeais pas, je restais ainsi cachée quelques instants à le regarder, sans dire un mot, en ne respirant presque pas. Une larme perla le long de ma joue avant d'être glacée par le froid de la nuit.

Que pouvait-il bien penser ? Et de moi que pouvait-il bien penser ? Tant d'années sans lui, tant d'années à le protéger sans qu'il ne le sache. Pensait-il encore de temps à autre à moi? Ou avais-je totalement disparu de sa vie, de ses souvenirs ?

Il fallait pourtant même si je n'osais pas, avancer vers lui, lui montrer ma présence, mais reconnaîtrait-il sa mère ? Dans l'état dans lequel je me trouve.

Oui je suis sa mère, une drow, svelte aux cheveux bruns foncés, aux yeux noirs virant au rouges lors de ses colères, qui a retrouvé son corps d'antan, hélas ou quel bonheur, avec quelques décénnies de moins. En effet j'ai à nouveau 20 ans, l'âge de mon fils celà risque de le troubler, mais je ne suis plus la même femme après tout.

Pour m'approcher doucement je décidais alors de le distraire, je pris une pierre et je la lancais pour qu'il soit attiré dans une autre direction. Je voulais qu'il ne me voit qu'au dernier moment peut-être avais-je peur qu'il me voit simplement.

Je m'avançais donc silencieusement vers lui, une longue cape noir recouvrant mon corps avec une capuche pour cacher mon visage. Peut-être serais-je trahie par mon odeur d'opium, s'il avait toujours l'instinct du chasseur en lui.

Une fois assez proche de lui, je lui dis d'une voix douce et qui lui semble familière ces quelques mots :

- Rochel...

L'eau ruisselle sur mon visage, le cuir noir de mes vêtements, mes cheveux... Coule dans mes yeux, on dirait que je pleure... Cela ne m'arrive que rarement pourtant, étrange sensation que cela...
Le bruit de l'orage fait taire tout autre à mes horribles, et l'odeur de la pluie étouffe celle des fleurs...
J'apprécie ce temps, annonciateur de changement. Il m'apaise...

Je me lève du banc de pierre où j’étais allongé, regard rivé au ciel magnifique, toujours si beau quand il est hors de lui…
L’onde glacée qui me parcourt se perd le long de ma nuque, me fait frissonner.

Bataillant quelque instants avec les sangles de fer de ma tenue, j’en retire la partie supérieure pour offrir la peau glabre et blanche de mon torse à la source céleste.

Dokmund…
Je l’ai laissé partir…
Je ne sais ce qui m’a pris, mais une intuition m’a susurrée qu’il ne valait pas que je fatigue mon talent pour lui…
Une frustration de plus à assumer…
Mais n’y pensons plus… Le moment viendra ou tout sera lavé… Je serai patient…

Un sont, doux, juste derrière-moi. Mon nom. Du moins je crois… Un tressaillement dans tout mon être… Cette odeur… Que je perçois malgré le reste. La mienne, celle de mon père, mais il ne s’agit ni de lui, ni de moi. Alors…

Je me retourne. Mes tripes se nouent. Je crains.

La pluie battante ne cessait pas, la foudre continuait d'illuminer la nuit par instant et les jardins semblaient plus sombres que d'habitude.

C'est alors qu'il se retourna vers moi, il avait l'air tendu, avait-il donc repéré mon odeur? Savait-il que c'était moi, Sashina, sa défunte mère?

Mon estomac se retourna, j'avais du mal à le regarder dans les yeux, bien qu'il ne pouvait voir les miens, je ne savais que dire, ni comment me présenter, comme lui expliquer que j'étais de retour.

Je devais me l'avouer, j'avais peur, peur de ce qu'il dirait à mon sujet, peur de ce qu'il pourrait penser de ce que je lui ai caché à lui comme à Lunaris Exercitus, peur d'être rejetée, peur d'être traîtée comme une inconnue.

- Rochel mon tendre fils, c'est moi Sashina, les mots venaient de s'échapper de ma bouche, si je ne les avaits pas entendu je aurais pu croire que quelqu'un d'autre parlait à ma place.

Alors tout se suivit rapidement, tout d'abord j'enlevais ma cape la laissant tomber sur le sol, dévoilant ainsi mon corps protégé par une robe noire finissant aux genoux et possédant un décolté plongeant, où ma poitrine se sentait à l'étroit.

Je n'osais plus dire un mot, je voulais lui laisser le temps de répondre, lui laisser le temps de réagir, inconsciemment, certainement par mon instinct de mère, je savais qu'il ne me ferait pas de mal, qu'il ne pourrait pas m'attaquer.

Je me sentais bizarre, le voir devant moi après tant d'année, je ne pouvais pas me retenir, j'avais retrouvé un corps de chair et de sang et je voulais le prendre dans mes bras, je bondis sur lui avec la rapidité du vampire et l'enlaçait de toute mes forces.

Elle est là devant moi.
Elle ôte sa cape, comme si je ne l'avais pas reconnue...
Bien vivante, dans toute sa splendeur...

Mais comment se peut-il ?
Je pensais avoir une meilleure résistance que cela aux effets hallucinogènes de l'opium.

Elle me parle encore, mais je ne comprends pas un mot de ce qu'elle me dit. Je la regarde.
Je la dévore des yeux, à la recherche de chaque détail dont je puis me souvenir. Son regard, les courbes de son visage, de son corps...

Je ne comprends pas.

N'était-elle pas morte et enterrée loin de moi ?
Comment se peut-il ?

Avant même d'avoir pu pousser plus avant une quelconque réflexion, l'apparition se jette sur moi et m'enlace.
La masse imposante de sa poitrine écrasée contre mon torse nu renforce le réalisme indéniable de la personne nouvellement de retour.

Décidant, pour ma propre sauvegarde mentale, de laisser les explications à plus tard, je décide de placer tout cela sur le compte d'un miracle d'Hécate en attendant mieux, et de profiter d'une situation rêvée depuis des lustres.
Maladroitement, je soulève mes bras pour les refermer contre son dos, baissant la tête, je plonge mon visage dans ses cheveux pour en respirer le parfum.

Je ferme les yeux...
Quel délice...

Je suis troublé de te revoir ma mère...
Tu es si belle, si jeune, et pourtant hier si morte...
Comme c'est étrange...

Parle-moi, parle-moi encore...

Il m'aimait donc encore, et se fichait de tout ce qu'on avait pu lui dire sur moi.

J'étais heureuse à nouveau, après tant de temps, une année passée dans la souffrance et plusieurs dans l'au-delà.

J'étais à nouveau près de mon fils la seule personne qui comptait pour moi au monde, le seul être qui valait mon retour sur cette terre.

Je l'aimais beaucoup plus que je n'aurais jamais su aimer son père, beaucoup plus.

Il voulait entendre ma voix, j'étais si heureuse d'entendre la sienne de mes propres oreilles que je ne pouvais lui refuser ce cadeau :

- Rochel disais-je, tu m'as manquée, tant d'années à te regarder sans pouvoir m'approcher de toi, tant de temps écoulé depuis ma disparition... Je t'aime tellement...

Je ne savais si je devais tout lui expliquer maintenant mais je crois qu'il méritait pour l'heure quelques informations pour comprendre ce qui se passait.

- Je suis revenue grâce à Frère Davinity et à Dokmund, accompagnés de trois autres personnes, ils sont venus me ramener sur cette terre commença-t-elle par dire.

- Dokmund était mon frère, je ne sais pas si vous vous connaissiez et je sais que si c'tait le cas il ne devait pas être apprécié, mais il a conduit Frère Davinity a moi et notre bon vieux prêtre à réussi à me rappeller sur Terre..

Je ne voulais rien dire de plus je préférais rester tout contre lui, profiter de ses retrouvailles que j'avais tant espérées.

- Pour mon corps, c'est grâce ou à cause des potions de l'ancien Grand Inquisiteur, pour le reste je préfère en parler plus tard... Nous avons tout notre temps maintenant...

L'odeur de Rochel envahissait mes narines je me rendis compte qu'il n'était toujours pas vampirisé, étrange, son corps à moitié nu collé contre le mien, nous étions tout deux trempés...

J'assimilais ses propos comme autant de coups à l'estomac.

La mine grave, je mettais peu à peu en place les différentes pièces du puzzle pour en arriver à la compréhension de la situation.

Ainsi, elle était réellement de retour...

Reprenant mes esprits, je réalisais alors qu'elle se trouvait très peu vêtue, contre moi qui l'était tout autant, sous un déluge d'automne.

Attrapant ses cuisses d'une main, soutenant son dos de l'autre, je soulevais son poids ridicule pour la porter, à la façon d'un chevalier servant portant sa princesse, vers un endroit plus confortable pour converser...




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